Juraj Slafkovsky doit avoir mal au coeur ce matin: la liste des quatre meilleurs pointeurs de la Ligue, un quatuor qui écrase tout le monde, a un point en commun absolument dévastateur pour Montréal: ils ont tous été des premiers choix au total.
MacKinnon. Bedard. Celebrini. McDavid.
Quatre joueurs qui incarnent ce que doit être un vrai premier choix : un joueur qui change une franchise, qui impose un standard, qui redéfinit un sport, qui justifie à lui seul la souffrance d’une saison de misère.
Et puis il y a notre réalité à Montréal, celle qu’on tente d’enrober de positivisme depuis deux ans, mais qui revient frapper à chaque fois que la LNH nous rappelle ce qu’un premier choix doit être.
Oui, Juraj Slafkovsky joue mieux. Oui, il a retrouvé un peu d’élan aux côtés de Demidov. Oui, il travaille, il progresse, il fait ce qu’on peut attendre d’un bon ailier de deuxième trio dans la LNH.
Mais c’est précisément là que le malaise s’installe : Slafkovsky joue “correctement”, alors qu’un premier choix ne doit pas jouer “correctement”. Un premier choix doit dominer.
Le problème n’est pas Slafkovsky. Le problème, c’est l’année 2022.
Pendant que Bedard, Celebrini, McDavid et MacKinnon traînent leur équipe sur leurs épaules et vont assurément devenir les pierres angulaires d’Équipe Canada pour les Jeux de Milan-Cortina, Kent Hughes regarde son premier choix se battre pour simplement rester pertinent.
Slafkovsky n’a rien d’un fiasco.
Mais il n’a rien d’un premier choix au total non plus.
Et c’est ça, l’injustice cruelle de sa carrière : il porte une couronne qu’il n’a jamais été destiné à porter.
On l’a vu arriver à Montréal avec une pression que personne ne lui aurait imposée s’il avait été repêché 7e, 12e ou même 19e. On lui aurait donné du temps, de l’espace, le droit de faire des erreurs, le droit de devenir un bon joueur... pas un sauveur.
Sauf que le repêchage ne fonctionne pas comme ça.
Tu n’es pas évalué pour ce que tu es…
Tu es évalué pour ce que tu aurais dû être.
Slafkovsky n’a jamais été McDavid, même si certains l'appellent le "baby Jagr".
Il n’a jamais été ce joueur qui peut transformer une franchise par sa seule présence. Imaginez le CH avec Celebrini ou Bedard en ce moment. Il fallait tomber sur la mauvaise année... encore et encore...
Les médias slovaques tentaient de le faire passer pour une prodige, vu qu'il avait connu des jeux olympiques incroyables... sans les joueurs de la LNH.
Et aujourd’hui, l’humiliation est statistique :
Les quatre meilleurs pointeurs de la planète hockey sont exactement ce que Slafkovsky n’a jamais été des talents générationnels repêchés l’année “parfaite”.
Parfois, on a mal pour Slafkovsky. Montréal regarde un jeune homme qui se bat pour exister et qui, malgré tous ses efforts, restera toujours dans l’ombre d’un statut qu’il ne méritait probablement pas.
La tempête se déplace alors sur un autre terrain : l’équipe olympique canadienne, où Bedard et Celebrini sont déjà en train de fermer les portes, une par une, à tout le monde autour d’eux.
Ces deux adolescents jouent comme s’ils avaient un laissez-passer direct pour Milan. Et ils l’ont probablement.
Pendant que Matthew Schaefer, lui aussi un premier choix, devrait se tailler une place.
Nick Suzuki se retrouve soudainement au bord du précipice.
Dans un monde parallèle où Slafkovsky aurait eu l’impact d’un Bedard ou d’un Celebrini, peut-être que Suzuki bénéficierait d’un entourage plus lourd, plus explosif, plus dominant… peut-être que son mois de novembre aurait été plus percutant pour Équipe Canada.
Mais la vérité est celle-ci :
Quand ton premier choix n’est pas un vrai premier choix, c’est toute ton organisation qui paie.
Le plus tragique dans tout cela, c’est que Slafkovsky n’est pas un problème. C’est un bon jeune qui travaille.
et ne triche pas. Il progresse. Il a repris vie avec Kapanen et Demidov.
Mais la LNH vient de rappeler au monde entier ce qu’est un vrai premier choix au total.
Tant que Montréal continuera d’espérer qu’un ailier honnête au gros gabarit devienne soudainement un génie, tant que l’on jugera Slafkovsky selon des critères qui appartiennent à Bedard et Celebrini, tant qu’on se mentira sur la nature réelle de son potentiel, on sera déçu.
Le CH restera coincé dans cette zone grise où rien ne s’effondre, mais rien ne décolle non plus.
Slafkovsky avance.
Mais la franchise, elle, est restée prisonnière d’une année où le premier choix n’aurait jamais dû porter ce nom-là.
