Certains soirs, le débat finit par s’imposer, même si tout le monde fait semblant de ne pas vouloir en parler.
Le Canadien a beau répéter que la hiérarchie des gardiens n’existe pas, que tout le monde avance au jour le jour, le vestiaire entier sait que ce jeu d’équilibre commence à craquer.
Et dès qu’un journaliste tente de mettre un mot là-dessus, Martin St-Louis se referme comme une huître.
Ça s’est vu encore une fois lorsque Martin McGuire a posé LA question… celle que personne n’osait formuler trop directement : pourquoi choisir Jakub Dobeš dans un match où, logiquement, tu veux mettre toutes les chances de ton bord?
Une question simple, mais qui cherchait à pousser St-Louis à avouer ce qu’il refuse d’assumer publiquement : un des deux gardiens est meilleur présentement. Ça paraît. Ça se voit. Tout le monde le sait.
La réponse de l’entraîneur? Une esquive parfaite, presque sèche :
« Ce n’est pas nécessairement une meilleure carte. C’est juste la carte à soir. »
Un message clair :
Arrêtez d’essayer de me faire dire que Dobeš est mon numéro un.
Et pourtant…
Les chiffres crient l’inverse.
Dobeš, malgré ses hauts et ses bas, maintient un dossier solide pour un gardien de 24 ans, avec un rendement qui, dans un club aussi poreux défensivement, tient presque du miracle.
À plusieurs moments cette saison, il a tenu son équipe debout quand elle s’effondrait ailleurs.
Pendant ce temps, Samuel Montembeault, que le Canadien protège comme un coffre-fort, traverse une séquence où les rondelles entrent trop facilement, trop vite, trop souvent.
On ne parlera pas d’un effondrement total, mais d’une perte de repères visible. Et pourtant, impossible d’obtenir la reconnaissance que le filet appartient au plus méritant.
Dobeš joue mieux.
Dobeš donne une chance de gagner.
Mais Dobeš ne doit surtout pas être perçu comme le numéro un.
C’est là que la gestion de St-Louis devient fascinante. Il marche sur des œufs, constamment.
Chaque décision doit protéger les deux gardiens, ménager les susceptibilités, éviter de créer un précédent qui pourrait mettre Montembeault dans une position de vulnérabilité.
L’organisation refuse l’étiquette, refuse la hiérarchie, refuse le mot « numéro un ».
Et quand un journaliste tente de forcer cette conclusion, St-Louis redresse la colonne, ferme le ton et recadre la conversation.
Parce que chez le Canadien, l’important n’est pas qui devrait garder les buts selon les performances.
L’important, c’est l’idée qu’on veut projeter :
Aucun des deux n’est devant l’autre. On avance ensemble. Pas d’étiquette. Pas de controverse.
Le problème?
Ce discours est impossible à tenir quand tout le monde voit l’inverse.
Dobeš a déjà eu un momentum cette saison. Un vrai. Un de ceux qu’un coach doit absolument nourrir.
Et au moment où il montait, où il semblait s’élever comme une solution inattendue, il a été ramené brusquement au banc.
On a voulu redonner confiance à Montembeault… mais on a perdu les deux en même temps.
Résultat :
Deux gardiens froids.
Deux gardiens qui jouent avec la peur du prochain faux pas.
Deux gardiens qui ne savent jamais si leur performance du soir leur coûte leur prochain départ.
Et tout ça finit par peser.
On veut de la constance, mais on se retrouve dans la pire situation possible : un système qui refuse d’assumer ses propres évidences.
Ce match-là, et tous ceux qui suivront, ne sont plus seulement des soirées de hockey.
Ce sont des examens psychologiques. Des diagnostics silencieux.
Chaque ronde, chaque but accordé, chaque rebond mal contrôlé devient une pièce de preuve dans un procès que St-Louis refuse de tenir.
Il ne veut pas choisir.
Il ne veut pas déclarer un gagnant.
Il ne veut pas perdre un homme.
Alors il dit simplement :
« C’est la carte à soir. »
Et c’est justement ça, le problème.
Misère...
