Moment touchant au centre Bell: Rafaël Harvey-Pinard sur un nuage

Moment touchant au centre Bell: Rafaël Harvey-Pinard sur un nuage

Par Nicolas Pérusse le 2025-09-22

Le Centre Bell avait des airs de déjà-vu.

Raphaël Harvey-Pinard, casque vissé sur la tête, patinait sur une glace qu’il connaît par cœur. Sauf qu’il portait un uniforme différent. Plus de logo tricolore sur la poitrine. Cette fois, c’était celui des Penguins.

Et quand Renaud Lavoie lui a tendu le micro avant le match, son émotion était palpable. « Oui, c’est spécial. C’est spécial d’être de l’autre côté et de vivre ça », a-t-il soufflé.

Pas de grands effets. Juste la sincérité d’un gars qui a toujours avancé un pas à la fois, avec l’humilité d’un ouvrier du hockey.

Harvey-Pinard n’a jamais eu le luxe d’être un prodige. Pas de statut de choix de premier tour. Pas de promesse écrite d’avance. Il s’est imposé autrement : par le travail, par la ténacité, par la volonté de jouer chaque présence comme si c’était la dernière.

Et c’est exactement pour ça qu’il tombe au bon endroit, au bon moment.

Car à Pittsburgh, l’ère Sullivan est terminée.

Dix ans d’autorité, deux Coupes Stanley, une dynastie qui s’est lentement effritée. Kyle Dubas a choisi la rupture. Il a confié le banc à Dan Muse, 42 ans, un entraîneur qui n’a jamais dirigé dans la LNH.

Un pari énorme. Un saut dans l’inconnu. Mais un saut calculé.

Muse n’arrive pas avec des bagues, ni avec une carrière prestigieuse comme joueur. Non. Il arrive avec un mantra. Trois lettres qu’il répète comme une obsession : TNT.

« Takes No Talent ». Ça ne prend pas de talent.

Pour Muse, il y a mille joueurs avec le même bagage de talent dans les ligues mineures. Ce qui fait la différence, ce n’est pas d’avoir les mains de Crosby ou le flair de Malkin. C’est de savoir se donner chaque soir, d’être constant dans l’effort, d’être prêt à bloquer un tir, plonger devant une passe, déranger un adversaire plus gros que soi.

Ça, ça ne demande aucun talent. Ça demande juste du courage.

Et ça tombe bien : Raphaël Harvey-Pinard incarne ça mieux que quiconque.

Quand François Gagnon parle du nouvel entraineur de Penguins, il n’a pas pu s’empêcher de faire le parallèle.

« Pour moi, Raphaël Harvey-Pinard, Dan Muse va être un entraîneur-chef parfaitement qualifié pour lui. Parce que Muse, quand il voit des joueurs donner des résultats à son équipe, pas avec le talent d’un Crosby, mais à force de caractère et de travail, il les récompense. Il leur remet des T-shirts sur lesquels est inscrit TNT. »

Une récompense symbolique, mais plus forte que mille discours. Dans la philosophie Muse, l’honneur ultime n’est pas d’être le plus spectaculaire, mais d’être celui qui ne triche jamais.

Et Harvey-Pinard, dans son entrevue avec Renaud Lavoie, a décrit exactement ça. « Trois bonnes pratiques vraiment intenses. Je suis resté en mentalité, j’ai travaillé fort. À partir de maintenant, chaque journée est importante et ça commence par ce soir. »

C’est du Muse dans le texte. Pas besoin de forcer l’analogie. Les mots collent naturellement.

Pour Pittsburgh, c’est plus qu’un hasard. C’est une stratégie. L’organisation sort d’une ère où le talent des superstars a masqué toutes les failles.

Pendant seize ans, Crosby, Malkin et Letang ont porté l’équipe à bout de bras. Mais depuis trois saisons, les séries leur échappent. Le mur est frappé de plein fouet.

Muse n’a pas été choisi pour flatter les vétérans. Il a été choisi pour changer la culture.

Dans ce contexte, Harvey-Pinard n’est pas seulement un joueur de soutien. Il devient un modèle. Son profil est exactement celui que Muse veut multiplier dans le vestiaire : un gars qui sait que chaque présence est une audition, que rien n’est acquis, que la survie dans la LNH passe par le sacrifice.

C’est là que la rencontre entre les deux histoires prend tout son sens.

Muse veut bâtir une équipe où l’effort est contagieux. Harvey-Pinard est prêt à être le patient zéro de cette contagion.

Bien sûr, certains diront que ce n’est pas suffisant. Que la LNH reste une ligue de talent, où les buts comptent plus que les bonnes intentions.

Et ils n’ont pas tort. Crosby, même sur ses dernières forces, demeure l’âme du club. Karlsson et Letang, malgré les critiques, restent des joueurs d’élite.

Mais autour d’eux, il faut une nouvelle fondation. Pas une fondation faite de promesses, mais une fondation faite de gars qui se jettent tête première dans le mur s’il le faut.

Muse sait qu’il ne gagnera pas avec un vestiaire de vedettes fatiguées. Il doit créer un groupe capable de souffrir ensemble. Et dans ce processus, un joueur comme Harvey-Pinard devient plus important qu’on ne l’imagine.

Parce qu’il montre que ce n’est pas le talent qui dicte le destin d’une équipe en reconstruction. C’est la culture.

L’ironie, c’est que Harvey-Pinard ne fait grand-chose jusrqu'à présent. Une soirée discrète, sans éclats. Mais peu importe. Car le message est ailleurs.

Le simple fait de l’entendre parler de son retour au Centre Bell, de le voir sourire malgré un rôle incertain, rappelle pourquoi il est encore là.

Il ne survit pas grâce à des highlights. Il survit parce que, chaque fois qu’un entraîneur regarde son alignement, il se dit : « Lui, je peux lui faire confiance. »

Et c’est exactement ce que Dan Muse veut entendre.

À 42 ans, Muse n’a pas hérité d’un vestiaire en or. Il hérite d’une équipe en transition, d’une organisation qui marche sur un fil entre respect des légendes et obligation de tourner la page.

Mais il arrive avec un message clair : peu importe le talent, si tu ne donnes pas tout, tu n’as pas ta place.

Alors oui, Crosby est encore là. Malkin aussi. Letang aussi. Mais le visage de la nouvelle ère pourrait être un joueur qui n’a jamais été censé en devenir un : Raphaël Harvey-Pinard.

Parce qu’il ne représente pas seulement sa propre lutte. Il représente ce que Muse veut bâtir. Une équipe qui, jour après jour, shift après shift, prouve que le talent ne suffit pas.

Et si les Penguins veulent vraiment renaître, il faudra que tout le monde adopte ce mantra. Que le vestiaire entier porte fièrement ces trois lettres : TNT.

La rédemption de Pittsburgh ne viendra pas de gestes spectaculaires. Elle viendra du travail invisible. De la sueur. De l’acharnement.

Et dans cette transformation, Harvey-Pinard pourrait bien devenir la preuve vivante que Takes No Talent… peut tout changer.