Nos pensées accompagnent Jonathan Huberdeau et sa famille

Nos pensées accompagnent Jonathan Huberdeau et sa famille

Par David Garel le 2025-10-02

À ce stade, ce n’est plus un simple passage à vide. Ce n’est plus une mauvaise séquence. Ce n’est plus une question de patience ou d’adaptation.

Ce qu’on vit en ce moment avec Jonathan Huberdeau, c’est une tragégie absolue. Une suite de malchances, de maladresses, de perceptions pourries et de défaites personnelles qui le poursuivent depuis qu’il a quitté la Floride.

Et maintenant, il se blesse. Bien sûr. Parce que quand le sort s’acharne, il ne prend jamais de pause.

Mercredi soir, en match préparatoire contre les Canucks de Vancouver, le pauvre Huberdeau a tenté de faire ce qu’on attendait de lui : se battre, aller au filet, provoquer. Il a poussé vers le gardien Kevin Lankinen, s’est placé devant Filip Hronek… et sa jambe s’est tordue dans un mouvement maladroit, douloureux, presque humiliant. Il est resté au sol, a eu besoin de l’aide du thérapeute, et a quitté le match sans revenir.

Et pendant ce temps-là, pendant que le vestiaire des Flames s’inquiète, les réseaux sociaux se réjouissent. Oui, littéralement. Des partisans des Flames qui souhaitent que la blessure soit sérieuse. Pourquoi ? Parce que plus vite il est sur la touche, plus vite Calgary plonge dans la loterie pour David M., le prodige de 2026.

Ce n’est pourtant pas la première fois en quelques jours que le nom de Jonathan Huberdeau fait la une. La semaine dernière, il avait osé faire une blague devant les journalistes, en expliquant pourquoi il avait manqué une pratique :

« Ouais, je me suis réveillé, je ne filais pas pour patiner, alors j’ai pas patiné. C’est tout. »

Une blague. Un clin d’œil. Une phrase lancée avec le sourire. Mais quand tu t’appelles Jonathan Huberdeau, tu n’as plus le droit à l’humour. La réaction a été brutale. Les réseaux sociaux ont explosé. Certains y ont vu de l’arrogance, d’autres du je-m’en-foutisme.

« Il a pris sa retraite dès qu’il a signé son contrat. »

« Ce gars-là fait 10.5 millions ? C’est une joke. »

« Le club devrait le racheter. »

Et pourtant, ce n’était qu’une blague. Mais il traîne désormais une image toxique. Une réputation contaminée par tout ce qui l’a précédé.

Revenons à l’origine du mal. Mai 2022. Les Panthers de la Floride sont à un match de l’élimination face au Lightning de Tampa Bay. Et la veille du match #4, Jonathan Huberdeau et plusieurs coéquipiers sont aperçus dans un club de danseuses de Tampa jusqu’à 3 h du matin. 

Les animateurs Pat Donovan et Aaron Jacobson de la station 95.3 WDAE confirment la nouvelle en ondes.

Le lendemain, les Panthers sont balayés.

Le DG Bill Zito ne digère pas. La franchise, sous pression, a besoin de discipline, de structure. Huberdeau devient l’agneau sacrificiel. En quelques semaines, il est échangé aux Flames dans la transaction monstre pour Matthew Tkachuk.

Et depuis ?

Tkachuk devient une mégavedette, un héros des séries, un leader vocal et inspirant, double champion de la Coupe Stanley.

Les Panthers atteignent trois finales de suite, gagnent deux Coupes Stanley.

Et Huberdeau ? Il se perd dans les plaines de l’Ouest canadien. Seul, détesté, moqué.

Au moment de son arrivée à Calgary, le Québécois signe un contrat massif : 84 millions sur huit ans, soit 10,5 millions par saison.

Aujourd’hui, ce contrat est unanimement reconnu comme le pire de la LNH.

Et ce n’est pas une exagération médiatique. The Athletic, dans son classement 2025 des dix pires contrats de la ligue, place Huberdeau au sommet… ou plutôt au fond.

"Surplus value" : -32 M$

Probabilité de livrer la valeur de son contrat : 1 %

Un pour cent. Le genre de chiffre qu’on réserve aux cas désespérés. Le genre de verdict qui enterre une carrière. Même avec sa meilleure saison à Calgary (62 points), il reste à des années-lumière des attentes liées à son salaire.

Pas de chimie, pas d’amour, pas d’avenir...

À Calgary, il ne fite pas. Le style de jeu, basé sur le repli, la robustesse, le « 200 pieds », étouffe complètement ses instincts offensifs. Il est passé de 115 points à 55, 52, puis 62. Il le dit lui-même : « Le gars de 100 points est encore là… mais pas dans ce système. »

Et dans le vestiaire, il est seul. Les jeunes prennent leur place. Et les vétérans savent que Huberdeau est un contrat bloqué, un passif comptable.

Même son envie de revenir jouer à Montréal, qu’on devine dans chaque entrevue, ne peut se concrétiser. Trop cher. Trop long. Trop risqué. Même à 50 % de retenue, aucune équipe ne touche à ça.

Et voilà qu’il se blesse. Et voilà que la scène est cruelle : le match est déjà une dégelée (8 à 1), et Huberdeau, dans un ultime effort, tombe, se tord la jambe, quitte la glace, et les fans célèbrent.

Pourquoi ? Parce qu’ils veulent perdre. Parce qu’ils veulent Gavin McKenna. Parce que dans leur esprit, plus Huberdeau est loin du jeu, mieux c’est pour l’avenir.

Ce qui rend tout ça encore plus insupportable, c’est qu’on parle d’un bon gars. Un nouveau papa. Un gars impliqué dans des fondations. Un gars qui parle bien. Qui donne du temps. Qui sourit malgré tout.

On oublie trop souvent que derrière le joueur de hockey surpayé et ridiculisé qu’est devenu Jonathan Huberdeau, il y a une famille. 

Une vraie famille, de chair et d’émotions, qui vit avec lui chacune des gifles publiques qu’il reçoit. Ils avaient célébré ce contrat de 84 millions de dollars comme un rêve devenu réalité.

 Sur un bateau, dans les eaux des Laurentides, avec du champagne, des sourires, de la fierté. Cette signature, c’était l’aboutissement d’une carrière exemplaire, l’assurance d’une sécurité à vie, la confirmation qu’il avait enfin obtenu la reconnaissance qu’il méritait.

On les imagine encore, dans cette fête intime, avec les étoiles dans les yeux et la musique à fond, savourant l’instant comme un point culminant.

Mais aujourd’hui, c’est un cauchemar. Ce même contrat est devenu un boulet. Il est cité dans tous les classements des pires erreurs de la LNH. Il est moqué sur les réseaux sociaux. Il est présenté comme l’échec vivant de Calgary. 

Et sa famille, elle, regarde tout ça. Impuissante. Dévastée. Son père. Sa mère. Sa conjointe. Et maintenant son jeune bébé.

Parce que oui, Jonathan est aussi un jeune papa. Et dans les coulisses, entre deux entraînements, entre deux conférences de presse malaisantes, il doit rentrer chez lui, regarder ce petit être qui vient d’entrer dans sa vie, et essayer de sourire. Essayer d’être solide. Essayer de croire qu’un jour, ça va passer. Mais tout le monde sait que ça ne passera pas.

Et c’est peut-être ça, le plus cruel dans cette histoire : Huberdeau n’est pas seul à tomber. Il entraîne avec lui ceux qui l’aiment. Ceux qui ont cru à sa grandeur. Ceux qui, aujourd’hui, doivent absorber la douleur silencieuse d’un homme qu’on a réduit à un punchline de fin de segment. 

Ils méritent mieux. Et ils méritent qu’on les accompagne, eux aussi, dans cette descente. Parce que cette saga dépasse le sport. Elle touche à l’humain. Et il n’y a rien de plus triste que de voir une famille entière porter le poids d’un contrat devenu une malédiction.

Mais dans la LNH, la sympathie ne paie pas. Les 10,5 millions annuels ne laissent pas place à l’empathie. On ne juge pas l’homme. On juge le chiffre.

Jonathan Huberdeau ne s’en sortira pas. Et pas parce qu’il ne veut pas. Parce que tout le système est contre lui.

Le contrat.

La réputation.

L’affaire des danseuses.

Les blagues mal interprétées.

Et maintenant… les blessures.

À ce point, il ne lui reste qu’une chose : la dignité. Et il la porte, malgré tout. Droit, debout, seul dans la tempête.

Nos pensées sont avec lui.

Parce que ce qu’il vit, personne ne mérite ça.

Pas même à 10,5 millions.