Pensées pour Céline Dion et sa famille: le lit d'hôpital de la honte

Pensées pour Céline Dion et sa famille: le lit d'hôpital de la honte

Par David Garel le 2025-08-18

À première vue, ce sont des images qui brisent le coeur des Québécois.

Une photo bouleversante qui s’est propagée comme un virus sur les réseaux sociaux : Céline Dion, amaigrie, le regard embué de larmes, couchée dans un lit d’hôpital, la main tendue vers Ed Sheeran qui semble lui chanter une berceuse au bord des sanglots.

Un moment déchirant, profondément humain, presque trop parfait pour être vrai. Et justement : il ne l’est pas.

Cette photo n’existe pas. Pas plus que le moment qu’elle prétend capturer. Il n’y a jamais eu de visite d’Ed Sheeran, pas de chanson, pas de pleurs en direct.

Tout a été fabriqué de toutes pièces par une intelligence artificielle, avec une finesse déroutante. Et pourtant, des milliers de personnes ont partagé l’image avec compassion, priant pour Céline, louant la bonté d’Ed Sheeran, laissant des messages de soutien bouleversants… à partir d’une illusion.

Imaginez un instant la douleur que doit vivre les proches de Céline en tombant sur cette image. Ils ne méritent tellement pas ce traitement inhumain.

Ce traitement... artificielle...

Céline Dion, qui traverse l’épreuve la plus difficile de sa vie, devient malgré elle la marionnette d’une industrie de la fausse émotion.

Une célébrité piégée dans un théâtre numérique où elle n’a pas donné son consentement. Elle est devenue, malgré elle, le visage le plus emblématique d’un monde où la fiction se fait passer pour compassion, où l’algorithme remplace la vérité, et où l’image prime sur l’humain.

Et ce que Céline vit aujourd’hui, cette dépossession de son image, de son récit, de sa dignité, n’est pas un cas isolé.

C’est le même piège, la même mécanique perverse, qui s’abat maintenant sur d’autres icônes : les joueurs du Canadien de Montréal, eux aussi entraînés dans la spirale toxique de la désinformation par IA.

Nick Suzuki offrant la totalité de son salaire aux sans-abri. Lane Hutson versant deux millions à des œuvres de charité. Juraj Slafkovsky distribuant dix millions à des familles pauvres.

Martin St-Louis transformant un château en refuge. Des photos attendrissantes. Inspirantes. Tellement humaines.

Et totalement fausses.

Ces images, conçues à l’aide d’intelligences artificielles de plus en plus puissantes, circulent par millions sur les réseaux sociaux.

Facebook, surtout, est devenu une autoroute pour ces publications générées par des IA, qui exploitent les visages familiers, les émotions collectives, et le désir du public de croire aux miracles.

Mais derrière la tendresse des pixels se cache une arnaque d’envergure mondiale. Une arnaque qui brouille la frontière entre réalité et fiction.

Une arnaque qui menace aujourd’hui la carrière de Céline Dion, la réputation des joueurs du Canadien de Montréal, et la paix d’esprit de milliers de partisans.

Et au centre de cette tempête, une femme tente de garder le cap : Chantal Machabée.

Ceux qui suivent de près la situation de Céline Dion savent à quel point chaque apparition, chaque image, chaque signe de sa santé est analysé avec fébrilité.

Depuis l’annonce de sa maladie neurologique rare, la moindre photo publiée fait la une. Alors, lorsqu’une image d’elle, les larmes aux yeux, apparaît sur Facebook, entourée d’Ed Sheeran dans une mise en scène visiblement hospitalière, le public s’arrête. Certains s’inquiètent. D’autres partagent par solidarité. Et quelques-uns cliquent.

Ils cliquent sur des liens qui promettent une entrevue exclusive. Un témoignage bouleversant. Une révélation. Mais ils tombent plutôt sur des sites frauduleux, bourrés de publicités intrusives, d’abonnements cachés et parfois même de logiciels espions.

Cette image de Céline n’est pas seulement fausse. Elle est dangereuse. Elle exploite la souffrance réelle d’une femme adorée, pour soutirer quelques centimes publicitaires ou subtiliser les informations personnelles d’un utilisateur naïf.

Et si même Céline Dion, icône planétaire, n’est pas à l’abri… alors qui l’est ?

Depuis quelques semaines, une autre cible semble avoir été choisie : le Canadien de Montréal. Plus précisément, ses joueurs vedettes.

Parce que leur popularité est immense. Parce que leur image inspire la confiance. Parce que leurs partisans, fervents, sont prêts à croire qu’ils peuvent faire de grandes choses.

Les fraudeurs le savent. Et ils en profitent.

Ils créent des pages Facebook aux noms trompeurs : « Le vrai CH », « Canadiens Nation », « Officiel Canadiens de Montréal ».

Ils publient de fausses nouvelles, accompagnées de photos générées par IA. Des visages familiers. Des gestes nobles. Des titres accrocheurs.

« Nick Suzuki remet 10 M$ à l’Accueil Bonneau : "J’ai vu la souffrance dans leurs yeux" »

« Lane Hutson crée une fondation pour les enfants malades, et verse lui-même deux millions ! »

« Martin St-Louis : "Ce château ne m’appartenait pas. Il appartient maintenant à ceux qui souffrent." »

Ces publications récoltent des milliers de partages. Des centaines de milliers de vues. Et dans les commentaires, les fans réagissent avec une candeur malaisante :

« Quel homme ! Bravo Nick ! »

« Je suis tellement fier d’être fan du CH. »

« Il y a encore de l’humanité dans ce monde. Merci Lane. »

Le problème, c’est que rien de tout cela n’est vrai.

Et pendant que les partisans propagent, de bonne foi, des nouvelles inventées, les véritables artisans de ces arnaques récoltent de l’argent en silence.

Derrière des sites hébergés dans des paradis numériques, comme l’Islande, la Lituanie ou certains États américains où la législation est floue.

Le cirque du faux... la réalité éclate en fragments...

Le plus sournois dans cette guerre de l’IA, c’est qu’elle ne repose pas sur la haine ou la controverse, mais sur la générosité.

Contrairement aux fausses vidéos où une vedette tient des propos racistes ou outrageux, ici, tout est douceur. Bienveillance. Miracle.

Mais cette approche est encore plus vicieuse. Elle s’infiltre doucement dans notre imaginaire collectif. Elle brouille notre radar. Elle s’installe comme un virus discret.

Et un jour, ce ne seront plus seulement des images. Ce sera des vidéos.

Une vidéo crédible de Suzuki insultant un partisan. De Martin St-Louis dans une scène compromettante. De Lane Hutson dans une situation ambiguë. Tout ça, entièrement faux. Mais si convaincant que même les experts auront du mal à le démêler à chaud.

Et cette journée arrive. Vite.

Face à cette tempête, il y a une femme. Une voix. Une force tranquille. Chantal Machabée.

Ancienne journaliste respectée, elle est aujourd’hui vice-présidente des communications du Canadien. Elle est le mur entre le vestiaire et les médias. Entre les joueurs et ce drame social. Entre la réalité et la tempête numérique.

Mais ce qu’elle affronte aujourd’hui dépasse tout ce qu’elle a vécu depuis son entrée en poste en 2022.

Chantal doit maintenant gérer :

des demandes de journalistes concernant des gestes que les joueurs n’ont jamais posés ;

Des familles inquiètes ayant vu passer des vidéos montées de toutes pièces ;

Des joueurs confus, déstabilisés par des histoires qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes ;

Des partisans qui l’interpellent en personne ou en ligne, persuadés que les actes héroïques qu’ils ont vus sont réels.

C’est du jamais vu.

Ce fléau, bien entendu, ne s’arrête pas aux frontières du hockey ou de la chanson. Il est mondial. Mais au Canada, le signal envoyé par le gouvernement est alarmant.

Le ministre de l’Intelligence artificielle, Evan Solomon, a déclaré vouloir miser sur les bénéfices économiques de l’IA plutôt que sur sa régulation. Une déclaration qui a fait bondir les experts en cybersécurité, les journalistes et les défenseurs de la vie privée.

Parce que pendant qu’on mise sur les profits, des célébrités se font usurper, des organisations sont piégées, et des citoyens sont floués.

Et pendant ce temps, Meta, le géant derrière Facebook, a carrément cessé de vérifier les faits.

Un article du Wall Street Journal est allé jusqu’à qualifier Facebook de « pierre angulaire de la fraude sur internet ». Rien de moins.

Alexandre Pratt, chroniqueur à La Presse, a enquêté sur ces nouvelles vagues de désinformation. Il a retracé l’origine de certaines de ces fausses nouvelles jusqu’à un édifice en Islande… qui abrite, entre autres, le Musée du phallus.

C’est dans ce lieu improbable que sont domiciliées des centaines de milliers d’entreprises, via la société Withheld for Privacy, spécialisée dans l’anonymat numérique.

Des sites frauduleux y naissent, y prospèrent, y meurent… sans jamais révéler leurs véritables propriétaires. Pendant que les Canadiens, au sens large, tombent dans le panneau.

Et dans cette jungle numérique, le Canadien de Montréal est devenu une cible. Parce que son nom inspire confiance. Parce que ses visages sont familiers. Parce que ses joueurs sont aimés.

Et après ?

La question à un million de dollars : qu’est-ce qui nous attend demain ?

Si aujourd’hui, les IA peuvent générer des images touchantes, crédibles, qui dupent des millions de gens… alors demain, elles pourront générer des déclarations politiques, des vidéos de confession, des vidéos de chantage. Elles le font déjà. Lentement. Mais sûrement.

Alors que reste-t-il ? Le doute.

Mais ce n’est pas à nous de vivre dans ce climat paranoïaque. C’est à nos institutions de nous protéger. De légiférer. D’imposer des normes claires aux géants du numérique. De responsabiliser les plateformes. Et de fournir des outils accessibles, simples, efficaces.

Et pendant ce temps…

Pendant que l’État tergiverse, que Meta encaisse, que les fraudeurs prospèrent… Chantal Machabée, elle, travaille. Dans l’ombre. À réparer les pots cassés. À protéger ses gars. À défendre l’honneur du Canadien.

Elle répond aux appels à l’aube. Elle rédige les démentis. Elle rassure les familles. Elle informe les médias. Elle instruit les jeunes joueurs. Elle écoute. Elle encaisse. Elle protège.

Et elle continue.

Parce qu’elle le fait par loyauté. Par amour du sport. Par sens du devoir.

Et parce qu’en pleine ère de la post-vérité, elle est, encore, un bouclier de vérité. Voilà pourquoi nous ne diffuserons pas ces fausses images pour vous les montrer.

En ce moment, Chantal Machabée a besoin de toute notre aide...