Pensées pour Jacques Demers: Michel Bergeron va le regretter toute sa vie

Pensées pour Jacques Demers: Michel Bergeron va le regretter toute sa vie

Par David Garel le 2025-09-30

Michel Bergeron va le regretter toute sa vie.

Ce silence, ce refus de se battre pour Jacques Demers, son vieil ami, restera une tache marquée au fer rouge sur sa carrière et sur son héritage.

On se serait attendu à ce que le Tigre rugisse pour défendre celui qui a tout donné au hockey québécois, celui qui a offert au Canadien de Montréal sa dernière Coupe Stanley en 1993.

Pourtant, l'ancien vice-président du Canadien de Montréal, Donald Beauchamp, a livré un vibrant témoignage pour Demers en donnant des nouvelles de sa santé. Cet extrait vidéo nous a donné les larmes aux yeux:

Pourquoi alors Michel Bergeron garde le silence?

Une trahison inexplicable, une blessure liée à l’humiliation déjà vécue, il y a des années, lors de cette soirée cauchemardesque à TVA Sports où, en direct, Louis Jean l’avait ridiculisé sur son absence de bagues de la Coupe Stanley.

L’hommage à Jacques Demers, organisé par TVA Sports, devait être un moment de pure émotion, une célébration de l’homme qui a offert au Québec sa dernière Coupe Stanley, en 1993

Un moment solennel où tout un peuple devait se rappeler à quel point cet entraîneur au parcours hors du commun avait marqué l’histoire, non seulement du Canadien de Montréal, mais de tout le hockey québécois.

La soirée a viré au fiasco médiatique. Non pas à cause de Jacques Demers, prisonnier de son propre corps depuis deux AVC, mais à cause de ceux qui avaient le devoir moral de le défendre, de l’honorer, et qui ont préféré se chamailler pour des histoires d’ego.

Louis Jean, dans une maladresse monumentale, a tourné au ridicule Michel Bergeron sur son absence de bagues de la Coupe Stanley:

Le Tigre, humilié en direct, s’est emporté. La dispute a éclipsé Jacques Demers, transformant un hommage en querelle digne de la maternelle. Un moment d’une tristesse inouïe, car Jacques, lui, méritait infiniment mieux.

Ce fiasco restera comme un symbole. Un symbole de l’oubli, de l’indifférence et du manque de respect envers une légende encore vivante, mais condamnée au silence par une aphasie cruelle.

Jacques Demers n’avait pas besoin de ce cirque. Il avait besoin qu’on rappelle ses combats, ses victoires, ses sacrifices.

Mais non. Ce soir-là, devant la photo qui le montrait aux côtés de Pat Burns, Michel Bergeron et Scotty Bowman, ce n’est pas l’homme de 1993 qu’on a célébré. C’est l’ego blessé de Michel Bergeron qui a pris toute la place:

Ce qui choque encore davantage, c’est que Michel Bergeron, plutôt que de se battre pour que son ami Jacques Demers accède enfin au Temple de la renommée, préfère aujourd’hui consacrer son énergie à défendre… Kerry Fraser.

Oui, le fameux arbitre responsable du but refusé d’Alain Côté en 1987. Bergeron, 40 ans plus tard, a pardonné Fraser, et il milite maintenant pour son entrée au Temple.

Mais pour Demers ? Rien. Pas un mot. Pas un geste. Ce silence est un poignard dans le dos. Comment peut-on défendre un arbitre qui a infligé l’une des plus grandes humiliations aux Nordiques de Québec, et rester muet devant la situation tragique d’un ami qui a tout donné au hockey québécois ?

Il y a là une ironie brutale. Bergeron, jadis ridiculisé par Louis Jean pour son absence de Coupe Stanley, semble incapable d’assumer cette blessure d’ego et de se rallier derrière celui qui, lui, a accompli le rêve ultime.

Est-ce de la jalousie refoulée ? Est-ce une rancune mal digérée ? Ou simplement une lâcheté de vieux guerrier qui préfère se battre pour une cause moins dérangeante ?

Peu importe la réponse. Le résultat est le même : Jacques Demers est trahi. Et cette trahison résonne comme un écho dans un Québec qui, lui aussi, semble avoir oublié son héros.

Aujourd’hui, Jacques Demers a 80 ans. Deux accidents vasculaires cérébraux l’ont paralysé du côté droit et privé de parole. Il souffre d’une aphasie sévère. Il est enfermé dans un corps qui ne lui obéit plus, condamné à la chaise roulante, incapable d’exprimer ses idées.

Mais son esprit est intact. Ses yeux pétillent encore. Il reconnaît ses proches. Il réagit aux matchs du Canadien. Quand le Tricolore gagne, il sourit, il hoche la tête. Quand il perd, il bougonne, tape parfois sur la table, comme autrefois derrière le banc. Jacques vit toujours le hockey. Mais il vit aussi une détresse silencieuse. Car il comprend tout. Il sait. Il ressent. Et il souffre de ce silence collectif.

Son frère Michel raconte ces moments déchirants où Jacques, incapable de parler, essaie de s’exprimer. Les mots ne sortent pas. Alors il se fâche, tape sur la table, pleure.

Sa femme Debbie, son roc, l’accompagne chaque jour avec un dévouement admirable. Elle devine ses besoins, elle interprète ses regards, elle lui lit les nouvelles du hockey.

Chaque dimanche, Jacques rentre à la maison en transport adapté pour quelques heures en famille. Des instants précieux, mais insuffisants pour apaiser la douleur d’un homme qui voit le temps s’écouler sans que son nom soit honoré comme il le devrait.

Et pourtant, tout est là. Absolument tout. Jacques Demers coche toutes les cases du Temple de la renommée.

Premier entraîneur-chef des Nordiques dans la LNH.

Deux trophées Jack-Adams consécutifs, en 1987 et 1988, un exploit encore inégalé.

Plus de 1000 matchs derrière le banc (1007).

Architecte du dernier championnat du Canadien en 1993, une conquête mythique qui hante encore aujourd’hui l’imaginaire collectif.

Mentor de légendes comme Patrick Roy, Steve Yzerman, Vincent Lecavalier.

Symbole de courage et de résilience, ayant surmonté une enfance marquée par une pauvreté extrême et l’analphabétisme.

Né dans une misère accablante, incapable de s’acheter une paire de souliers, moqué par les autres enfants, Jacques a gravi chaque marche avec acharnement.

Pendant la moitié de sa carrière, il a caché son analphabétisme, se débrouillant avec une mémoire prodigieuse et une volonté inébranlable. En 1993, il réalise le miracle : amener une équipe sous-estimée jusqu’à la Coupe Stanley. Une revanche sur la vie. Une revanche sur toutes les humiliations.

Et pourtant, malgré cette carrière hors norme, le Temple détourne toujours le regard.

Mais ce qui est encore plus honteux que l’oubli du Temple, c’est le silence du Canadien de Montréal. Geoff Molson et son organisation, si prompts à organiser des soirées hommage, à produire des vidéos promotionnelles, à investir des millions dans le marketing et la « culture d’entreprise », n’ont rien fait pour Jacques Demers.

Pas de campagne. Pas de pétition. Pas de message officiel exigeant son intronisation. Pas même un simple rappel, lors des anniversaires de 1993, du rôle essentiel de Demers dans cette conquête.

En 2023, pour le 30e anniversaire de la dernière Coupe, on a revu les images de Patrick Roy, de Kirk Muller, de Vincent Damphousse. Mais Demers ? Presque effacé, réduit à une silhouette gênante, à un homme qu’on ne veut pas montrer parce que sa condition dérange.

Comme si, parce qu’il ne peut plus parler, il ne comptait plus. Comme si son sourire forcé dans un fauteuil roulant ternissait l’image « glamour » que le CH veut projeter.

C’est une trahison. Une insulte. Le Canadien aime parler de respect de l’histoire, de famille, de culture. Mais que vaut cette « culture » si elle oublie l’homme qui a offert à l’équipe son dernier moment de gloire ?

Patrick Roy continue de prendre des nouvelles, incapable d’accepter que son mentor soit relégué dans l’ombre. Son frère Michel et son épouse Debbie supplient, par leur dignité et leur présence quotidienne, qu’on n’oublie pas l’homme derrière la légende.

Tous ces témoignages forment un bruit de support. Mais un bruit que ni le CH ni le Temple ne veulent entendre.

Et nous, collectivement, sommes aussi coupables. Les journalistes, les éditorialistes, les partisans. Où sont les campagnes populaires ? Où sont les pressions médiatiques ? Pourquoi faut-il toujours attendre la mort pour réagir ?

Si Jacques Demers meurt demain, il y aura une grande cérémonie, des discours, des larmes. On parlera de lui comme d’un géant, on dira qu’il méritait le Temple. Mais ce sera trop tard. L’hypocrisie posthume ne vaut rien.

Aujourd’hui, Jacques est encore là. Il comprend tout. Il peut encore ressentir une ovation, une reconnaissance, une chaleur. Mais chaque jour qui passe rapproche l’irréversible. Chaque semaine sans geste du CH est une insulte de plus.

Le temps presse. Jacques Demers doit être honoré maintenant. Le Canadien doit organiser une grande soirée hommage au Centre Bell, avec ses anciens joueurs, sa famille, ses amis.

Le Temple doit recevoir des lettres, des pressions, des campagnes médiatiques. Geoff Molson doit sortir de son silence et utiliser son pouvoir d’influence. Les partisans doivent se lever, exiger, crier le nom de Jacques.

Parce qu’un jour, il sera trop tard. Et ce jour-là, le silence d’aujourd’hui deviendra une honte éternelle.

Jacques Demers n’est pas seulement un entraîneur. Il est une leçon de vie. Un homme qui, malgré la pauvreté, l’analphabétisme, les humiliations, a su atteindre le sommet.

Le Temple de la renommée du hockey doit cesser de détourner le regard. Le Canadien de Montréal doit briser son silence coupable. Le Québec doit se réveiller. Parce que Jacques Demers n’a pas besoin d’un hommage posthume. Il mérite de vivre sa reconnaissance.

Pas demain. Pas après-demain. Maintenant.