Pauvre Michel Bergeron. Quand Serge Savard t'envoie sous l’autobus, il ne fait pas semblant.
Ceux qui ont suivi la sortie publique de Serge Savard ont eu la confirmation éclatante : le Tigre vient de se faire humilier.
En refusant catégoriquement de blâmer les arbitres pour la défaite crève-cœur du Canadien dimanche, l’ancien grand capitaine a non seulement défendu la LNH, il a surtout détruit sans pitié des décennies d’habitudes chères à Michel Bergeron, le roi incontesté de la complainte contre les officiels.
« Je n’embarque pas là-dedans, je ne l’ai jamais fait », a tranché froidement Savard.
« J’en avais assez d’entendre Michel Bergeron se plaindre à chaque pénalité dans le temps. »
Bang. Une claque monumentale envoyée à celui qui a bâti sa réputation médiatique précisément sur son pleurnichage, autant dans son passé de coach qu'à la télévision.
Ce n’était pas une flèche discrète. C’était un affront public, un rejet sans appel. À travers ces mots, Savard a tracé une ligne dans le sable : il y a ceux qui acceptent la dureté du hockey, et il y a les pleurnicheurs. Michel Bergeron, aux yeux de Savard, appartient à la seconde catégorie.
Et cette sortie de Savard ne tombait pas du ciel. Car depuis le début de cette série contre Washington, Montréal gronde contre l’arbitrage.
Entre les doubles-échecs non appelés sur Cole Caufield et Brendan Gallagher, l’absence de pénalité sur le coup vicieux de Tom Wilson contre Alexandre Carrier, et la gestion générale désastreuse du match, il y aurait eu matière à sauter à pieds joints dans le blâme facile.
Beaucoup l’ont fait. Michel Bergeron l’aurait sûrement fait à l’antenne de TVA Sports, s’il avait encore une tribune. Mais Serge Savard, lui, est resté fidèle à sa ligne de conduite d’antan :
« Le hockey est un sport difficile à arbitrer. Les décisions des arbitres peuvent aller d’un bord comme de l’autre. »
La froideur de l’analyse de Savard est d’autant plus impressionnante qu’il n’a pas minimisé la violence subie par Alexandre Carrier.
Bien au contraire. Savard a rappelé que les Capitals avaient clairement ciblé Carrier depuis le début de la série, exploitant son importance cruciale dans la défensive du Canadien.
Il a reconnu que Wilson avait frappé Carrier à la tête. Il a souligné que l’assaut d’Ovechkin en première période contre ce même Carrier était une charge digne d’une inconduite de partie.
Mais malgré tout cela, malgré l’évidence que la LNH protège encore ses vedettes offensives au détriment de la sécurité des joueurs, Serge Savard a refusé d’utiliser l’arbitrage comme excuse.
Ce que Savard dénonce au fond, c’est l’état d’esprit. Le réflexe de Bergeron de se chercher des boucs émissaires à l’extérieur de son vestiaire.
Une mentalité de perdants, qui, selon lui, n’a jamais eu sa place dans la grande tradition du Canadien de Montréal. Quand il dirigeait l’équipe, jamais il n’aurait accepté de voir ses joueurs ou ses entraîneurs se cacher derrière les décisions des officiels.
« Les Capitals l’ont frappé, et ils ont gagné », a-t-il résumé sans pitié.
Dans cette sortie publique contre Michel Bergeron et la mentalité de la défaite, Savard ne s’est pas contenté de tirer sur le Tigre. Il a aussi tracé le chemin à suivre.
« Il faut se grossir », a-t-il répété, comme il le martèle depuis des années. À ses yeux, ce n’est pas en se plaignant à la télévision que Montréal redeviendra une puissance.
C’est en bâtissant une équipe capable de rendre les coups. Une équipe où un Tom Wilson ne pourra plus massacrer un défenseur-clé en toute impunité sans se faire immédiatement répondre par une avalanche de poings et de coups d’épaule.
Et dans ce diagnostic cinglant, Savard a glissé un rare compliment. Il a salué l’attitude de Josh Anderson, qui selon lui, « joue comme Bob Gainey ».
Voilà qui en dit long. Dans l’esprit du grand Serge, il n’y a pas de honte à tomber au combat, à condition de tomber avec honneur, en rendant coup pour coup.
Ce n’est pas un hasard si Savard admire Anderson. Ce n’est pas un hasard non plus s’il a souligné que Lane Hutson devra faire preuve de vigilance pour éviter le même sort que Carrier. Savard sait lire le hockey. Et il sait que les Capitals sentent l’odeur du sang.
Dans ce contexte, la sortie de Savard contre Michel Bergeron prend toute sa saveur. Car elle est aussi un message à la province entière.
Montréal ne retrouvera pas sa gloire tant qu’elle cultivera cette mentalité de la victime. Comme Michel Bergeron l'a toujours fait pour expliquer ses échecs avec les Nordiques.
Tant qu’elle acceptera que ses analystes passent plus de temps à hurler contre les arbitres qu’à exiger de leurs joueurs de la robustesse, du caractère et de la réplique.
L’époque des pleurnicheries médiatiques doit prendre fin, et Serge Savard vient de montrer la porte de sortie à Bergeron.
Il faut comprendre ce que cela signifie. À l’époque de Bergeron, se plaindre des arbitres était presque un sport national.
On trouvait une forme de noblesse à dénoncer l’injustice pour se trouver des excues.
Mais à force de crier au loup, on a fini par ressembler à des enfants gâtés, incapables d’assumer nos propres responsabilités. Savard, lui, incarne l’école dure et sans pitié : tu gagnes ou tu perds par ta faute. Point final.
Dans l’affaire Carrier-Wilson, la dure réalité est que le Canadien s’est fait battre sur le plan physique, sur le plan mental et sur le plan stratégique.
Il n’a pas perdu parce que l’arbitre n’a pas sifflé. Il a perdu parce qu’il n’a pas su riposter, parce qu’il n’a pas su protéger ses joueurs-clés, parce qu’il n’a pas imposé sa loi. Et ce constat fait beaucoup plus mal que de hurler contre des rayés.
En refusant de tomber dans le piège de l’excuse facile, Serge Savard nous rappelle une vérité fondamentale : dans le hockey, comme dans la vie, ce sont ceux qui se tiennent debout qui survivent. Les autres trouvent des excuses.
Aujourd’hui, Michel Bergeron est laissé sur le bord de la route. Une légende déchue, rattrapée par une époque qui ne veut plus de ses lamentations.
Et dans cette évolution brutale, Serge Savard n’aura fait que rappeler une chose : au hockey, il n’y a pas de place pour les victimes volontaires.