Au moment où les Canadiens de Montréal prennent la route vers l’Ouest, une chose est devenue claire : Jakub Dobeš est en train de voler la vedette dans les filets, et Samuel Montembeault, lui, tente de ne pas sombrer dans une crise de confiance.
Mais encore faut-il avoir conscience de la crise. Or, à écouter Montembeault répondre à ses détracteurs, on comprend vite pourquoi plusieurs commencent à douter de sa capacité à incarner, un jour, un vrai gardien numéro un.
Il y a quelques jours à peine, Montembeault avait accordé quatre buts aux Rangers de New York dans une défaite embarrassante au Centre Bell. Quelques jours plus tôt, c’était quatre autres buts contre le Kraken de Seattle.
Résultat : une moyenne de buts alloués alarmante, un pourcentage d’efficacité qui stagnait à ,857 en date de mardi matin, bon pour le 50e rang dans la LNH. Dernier. Pas 25e. Pas 30e. Cinquantième.
Mais ce n’est pas ça qui semble l’ébranler.
« C’est le début du calendrier, et la saison est longue », a-t-il déclaré à la presse.
« Des fois, une moins bonne série de deux ou trois matchs comme ça, ça arrive au mois de janvier, et ça paraît moins parce que t’as déjà disputé de bons matchs à ce moment-là. Là, on commence, et il y a encore beaucoup de matchs à disputer. »
À première vue, on pourrait saluer le calme du jeune homme. Une réponse pleine de philosophie. Mais dans le contexte montréalais, où la pression est constante, où chaque performance est scrutée à la loupe, et où son poste est littéralement en train de lui glisser entre les jambières, cette nonchalance fait sourciller.
Surtout lorsqu’on sait que Jakub Dobeš vient d’enchaîner trois victoires en trois départs, avec un pourcentage d’arrêt de .935 et une moyenne de buts alloués de 1.63. À ce rythme, il ne se bat pas seulement pour une place, il prend le contrôle total du filet.
Et pendant que le vestiaire retient son souffle, Montembeault, lui, reste zen.
« On va continuer à travailler, et à faire des efforts pour remonter la pente », dit-il en parlant de lui et de son entraîneur des gardiens, Éric Raymond, avec qui il a passé les derniers jours devant un écran à disséquer ses bourdes.
Mais la déclaration la plus révélatrice vient peut-être de ce passage :
« Quand tu connais un moins bon match, tu veux en jouer un autre assez vite par après, afin de pouvoir passer à autre chose. Mais en même temps, le fait de ne pas avoir joué lundi soir m’a donné du temps pour pouvoir ajuster des choses avec Éric lundi matin et mardi matin encore. »
Le problème, c’est que ce n’est pas lui qui a eu la chance de « passer à autre chose » lundi. C’est Dobeš qui a été récompensé. Et il l’a fait avec brio. Encore une fois.
À une autre époque, Carey Price avait calmé la foule d’un laconique « chill out » en réponse au cirque médiatique. Marc Bergevin, lui, avait carrément sorti un « calmez-vous le pompon ».
Mais ces déclarations venaient de figures qui contrôlaient leur destin, qui imposaient leur loi sur la glace. Montembeault, lui, semble trop satisfait de son rôle de bon coéquipier.
« Je ne pense pas qu’il y a de la compétition avec Jakub Dobeš. Tous les deux, on veut juste aider l’équipe », a-t-il affirmé. « Peu importe qui est devant le filet, on veut s’aider l’un et l’autre, et on veut donner une chance à l’équipe de gagner. Jakub, je suis content pour lui, il connaît du succès et il travaille fort. C’est quelque chose qui est super bon pour l’équipe. »
Super bon pour l’équipe, oui. Mais pas pour lui. Pas pour son poste. Pas pour sa carrière.
Même Danny Dubé, d’habitude mesuré, l’a reconnu ouvertement : Montembeault a perdu son filet. Point. Martin McGuire, pour sa part, a parlé de malaise dans la gestion du dossier par Martin St-Louis, qui, selon lui, a « évité toutes les questions qui concernaient le choix des gardiens de but ».
Pour McGuire, c’était clair : si Montembeault avait bien performé samedi, c’est lui qui aurait affronté les Sabres. Mais il a échoué. Et l’équipe a tranché.
Face à cette réalité, Montembeault répond par un autre diagnostic technique.
« Je pense que je dois revenir aux choses les plus simples. On a regardé beaucoup de vidéos, et des fois, je pense un peu trop… c’est juste de travailler la position de base, de jouer plus gros devant mon filet et d’être plus patient sur les lancers. »
Mais ce n’est pas de technique dont il est question en ce moment. C’est de flamme. D’instinct de survie. D’attitude de numéro un.
Quand on observe la trajectoire actuelle, tout pointe vers une transition inévitable. Jakub Dobeš s’installe, s’impose, gagne la confiance de ses coéquipiers, du staff, et surtout du public. Et à Laval, Jacob Fowler brille. Le tandem du futur est déjà là, et Montembeault le sait. Mais il refuse de l’admettre.
Il faut le dire franchement : cette attitude trop gentille, ce discours trop humble, ce ton de bon Jack, c’est exactement ce qui l’empêche de s’imposer comme le leader incontesté qu’il prétend pouvoir devenir. Il est aimé dans le vestiaire, respecté par ses pairs, mais il manque cette étincelle égoïste, ce feu sacré qui fait qu’un gardien vole un match, s’impose dans les médias, et fait taire les débats.
Mais d’ici là, une question demeure : pourquoi Montembeault n’a-t-il pas l’air plus inquiet?
Parce qu’il est trop serein pour un homme dont la chaise brûle. Parce qu’il continue à faire de la vidéo, à se corriger, à espérer… mais sans jamais mordre.
Et c’est exactement pour cette raison que, malgré ses qualités, il ne sera jamais le numéro un indiscutable à Montréal.
