Il n’y a plus de débat. Il n’y a plus de flou. Il n’y a plus de politesse à observer pour éviter d’écorcher le bon petit Québécois.
Jakob Dobeš est désormais le gardien numéro un du Canadien de Montréal, et la performance livrée lundi soir face aux Sabres de Buffalo ne fait que confirmer ce que tout le monde savait, mais que personne n’osait encore déclarer à haute voix.
Trois départs. Trois victoires. Une moyenne de buts alloués de 1,63. Un pourcentage d’efficacité de .938. Et surtout, une maîtrise absolue du filet, de la scène, du moment. Le filet n’appartient plus à Samuel Montembeault. Et il ne lui sera pas rendu.
La victoire de 4 à 2 contre Buffalo a mis la touche finale à une séquence de trois matchs magistrale de la part de Dobeš. Devant une foule bruyante au Centre Bell, il a repoussé 29 des 31 tirs dirigés vers lui, avec calme, efficacité et un sang-froid digne des plus grands.
Ce n’était pas une performance spectaculaire à la Carey Price, avec des arrêts renversants ou des jeux acrobatiques. C’était une performance chirurgicale. Un match parfait pour un gardien qui ne veut plus seulement gagner son poste, mais l’imposer comme une évidence.
Et ce n’est pas un hasard si le but gagnant a été inscrit par Lane Hutson, un autre jeune du noyau de demain. Tout dans ce match criait “transition”, “génération montante”, “nouveau cycle”.
Et au centre de tout ça, il y a Dobeš, ce grand Tchèque au regard impassible, qui vient d’écarter Montembeault sans même avoir à lever la voix. Parce que les chiffres parlent. Parce que les victoires parlent. Parce que le vestiaire parle.
Car il faut aussi parler du langage non verbal, celui que les caméras ont capté au terme de l’entraînement matinal à Brossard. Samuel Montembeault est resté seul sur la glace, longtemps, à effectuer des répétitions techniques, pendant que Dobeš quittait la patinoire sous les regards complices de ses coéquipiers.
Le langage corporel de Montembeault disait tout : la résignation, la douleur, le doute. Il savait. Il avait compris. Le voyage dans l’Ouest qui s’annonce ne sera pas le sien.
Et ce qui est presque cruel, c’est que cette prise de pouvoir survient à un moment charnière. Car le CH affrontera dans les prochains jours les Flames de Calgary et surtout les Oilers d’Edmonton. Or, si une équipe veut mettre la main sur Montembeault, c’est bien Edmonton.
L’organisation albertain a dépêché deux dépisteurs au Centre Bell pour ce match. Espéraient-ils voir Montembeault à l’œuvre?
Ont-ils été séduits par Dobeš? Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : si Kent Hughes veut monnayer Montembeault, le moment est venu.
Ce n’est pas que Montembeault est devenu un mauvais gardien. C’est plutôt qu’il ne peut plus être le gardien de demain. Il a eu sa chance, il a eu son extension de contrat, mais il n’a jamais su la transformer en statut incontesté.
Et aujourd’hui, l’organisation n’a plus le luxe d’attendre. Derrière Dobeš, il y a Jacob Fowler qui brille à Laval, avec une moyenne de 2,00 et un pourcentage de .920. Le message est clair : la relève est là, et elle n’a pas besoin de mentor.
La victoire de lundi est donc plus qu’un simple deux points au classement. C’est un point de rupture dans la gestion des gardiens à Montréal. Dobeš n’a pas simplement gagné un match. Il a pris possession de son filet.
Et surtout, il a convaincu tout le monde qu’il méritait de le garder. Les joueurs devant lui jouent avec plus de confiance. Le système défensif tient mieux. L’équipe respire différemment quand il est devant le but.
Et pendant ce temps, Montembeault regarde, impuissant. Ce n’est pas seulement un glissement dans la hiérarchie. C’est une perte d’identité.
À Montréal, être le gardien numéro un, c’est incarner une part du logo. C’est parler au nom de l’équipe. C’est prendre le blâme, mais aussi recevoir la gloire. Et cette aura-là, elle s’est déplacée. Lentement mais sûrement.
Jusqu’à lundi, où tout s’est figé. Dobeš n’a pas simplement gagné un match. Il a gagné son poste, son statut, et peut-être même l’avenir.
Ce qui rend la situation encore plus délicate, c’est l’attachement émotionnel du public québécois à Montembeault. Un gardien francophone, issu de la région, formé dans le giron local, qui a toujours fait preuve de courage et de résilience.
Mais l’émotion ne gagne pas de matchs. Et à l’heure actuelle, Dobeš est le seul à donner au CH une chance de gagner soir après soir.
Alors que faire de Montembeault? Il reste une solution évidente : l’échanger. Edmonton a besoin d’un gardien et le reste du marché est mince. Montembeault, malgré tout, conserve une valeur. À Montréal, il est coincé. Ailleurs, il pourrait redevenir pertinent. Kent Hughes le sait. Il lui reste à tirer profit de la situation avant que le marché ne se referme.
Reste à voir si Montembeault va affronter ses "futurs coéquipiers" d'Edmonton jeudi soir, ou si Martin St-Louis va l'envoyer à Calgary mercredi. Mais il y a une méritocratie, et elle s’exerce. Martin St-Louis est mieux de rester fidèle à ses principes de mérite.
Dobeš mérite de garder le filet contre les Flames dans deux jours... par principe...
Ce ne serait pas exagéré. Ce serait logique. Et ce serait fatal pour Montembeault. Surtout que s'il joue contre les Oilers, les rumeurs pour une transaction Montréal-Edmonton vont exploser.
Et pendant ce temps, Jacob Fowler gagne à Laval. Discrètement. Efficacement. Le tandem du futur est là, sous nos yeux. Et dans ce contexte, garder Montembeault n’aurait plus de sens. Il ne joue pas. Il ne gagne pas. Il ne rassure pas. Il bloque la progression naturelle de la nouvelle génération.
La victoire contre Buffalo est donc bien plus qu’un bon moment de hockey. C’est le tournant d’une ère.
Dobeš est là pour rester. Et Montembeault, malheureusement, n’a plus sa place.