Rien ne va plus entre Steven Stamkos et les Predators de Nashville.
ll y a des signaux qu’on ne peut pas ignorer. Quand Elliotte Friedman, la voix la plus mesurée et la mieux branchée du hockey nord-américain, glisse à demi-mot qu’un joueur et une équipe pourraient « s’asseoir ensemble pour voir quelles sont leurs options », c’est qu’il y a quelque chose de cassé.
Et dans le cas de Steven Stamkos, la fissure est devenue impossible à camoufler. Depuis son arrivée à Nashville, l’ancien capitaine du Lightning semble prisonnier d’un système qui ne tourne pas pour lui, d’un vestiaire qui ne s’articule plus autour de son talent et d’un rôle qui l’éloigne de ce qu’il a toujours été : un vrai centre.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un but, une passe, un différentiel de -3 en huit matchs, des séquences où il erre à l’aile comme un figurant de luxe, et une frustration grandissante qu’on devine jusque dans son langage corporel.
À l’interne, Barry Trotz commence à réaliser qu'il a commis une erreur de casting. À l’externe, le marché commence à se poser la question : où Stamkos pourrait-il encore s’épanouir ? Et c’est là que, fatalement, le nom de Montréal refait surface.
Mais Steven Stamkos, ce nom qui a longtemps fait rêver le Québec en entier, ne viendra pas.
Pas cette année, pas sous Martin St-Louis, pas dans ce contexte. L’information, relayée par plusieurs sources proches du dossier, est désormais claire : Kent Hughes a écouté l’offre de Nashville, poliment, puis a refermé le dossier sans hésiter. Le Canadien n’ira pas chercher Stamkos.
À première vue, ce refus peut sembler brutal, presque ingrat pour un joueur au parcours exceptionnel. Mais il est logique. Il est rationnel. Et surtout, il traduit l’évolution d’une organisation qui a appris de ses erreurs.
Parce que Steven Stamkos, aujourd’hui, n’est plus le centre que Montréal cherche. Il n’est même plus un centre, tout court.
Ceux qui suivent les Predators le voient bien : Stamkos n’occupe plus l’axe, ni le rôle qui faisait de lui l’un des pivots les plus dominants de la dernière décennie.
À Nashville, Barry Trotz le fait jouer à l’aile droite du deuxième trio, avec Erik Haula au centre et Michael Bunting à gauche.
Le message fait mal : Stamkos n’est plus un centre top 6.
Et quand une équipe avec une profondeur aussi mince au centre que Nashville refuse de lui confier ce rôle, comment imaginer que Montréal le ferait?
Ses chiffres le confirment. Il offre un rendement de vétéran fatigué. Même dans les pools de hockey, Stamkos est un joueur que les fans “drop”. Son influence a fondu. Son aura statistique aussi.
Elliotte Friedman a soulevé la question cette semaine sur The DFO Rundown. Stamkos veut bel et bien se faire échanger.
« Si la situation continue comme ça à Nashville, je ne serais pas surpris que les deux parties s’assoient ensemble pour discuter de ce qu’il reste à faire. On sent une tension. Ce n’est pas encore une rupture, mais ça y ressemble. Quand un joueur de la stature de Steven Stamkos commence à se demander s’il est encore au bon endroit, et que l’organisation, elle, ne sait plus comment l’utiliser, ce n’est jamais bon signe. »
Mais encore faut-il qu’il existe des options.
Ce qui sépare le Canadien d’aujourd’hui de celui d’hier, c’est la discipline.
Le Kent Hughes d’aujourd’hui n’est pas celui qui aurait sauté sur une star vieillissante par réflexe médiatique comme Marc Bergevin. Il a bâti sa réputation sur la rigueur, la cohérence et la patience. Et il l’a démontré encore une fois :
Steven Stamkos ne sera pas le deuxième centre du Canadien. Point final.
Montréal cherche un centre dans son âge d’or, capable de porter les lourdes minutes défensives, de libérer Nick Suzukiet de nourrir Ivan Demidov sans l’étouffer.
C’est un Jared McCann, Pavel Zacha un Ryan O’Reillydans son prime.
Et puis il y a la question du contrat. 8 millions de dollars par saison pour trois ans. Une absurdité dans le contexte montréalais.
On ne sort pas du dossier Carey Price pour replonger dans un autre piège financier. La marge regagnée n’est pas là pour racheter des souvenirs, mais pour préparer la prochaine décennie.
Personne n’aime écrire que plus personne ne veut de Steven Stamkos. Mais c’est la réalité du marché.
Les équipes ne rejettent pas l’homme, elles refusent le package. Le salaire, le statut, le rôle qu’il réclame.
À 35 ans, Stamkos est encore capable de marquer, de décocher un tir meurtrier en avantage numérique. Mais autour de lui, les conditions nécessaires à son succès se sont effondrées.
Il lui faut un système taillé pour lui, un temps d’avantage numérique garanti, des ailiers porteurs de rondelle, une couverture défensive dédiée. C’est une construction d’antan, incompatible avec la dynamique actuelle du Canadien.
Même à Nashville, où on espérait lui donner une seconde vie auprès de Forsberg et Marchessault, la greffe n’a pas pris. Le vestiaire reste sans hiérarchie claire, et la chimie offensive n’existe pas.
Trotz paie le prix d’un été où il a voulu acheter des vedettes plutôt que bâtir un noyau.
À Montréal, l’urgence est ailleurs. On veut bâtir autour de Suzuki, Hutson, Demidov, Bolduc, Caufield et Xhekaj.
La prochaine grande acquisition devra être le vrai deuxième centre qui stabilisera l’axe et permettra à cette équipe de franchir le cap.
Et ce joueur-là coûtera cher : en actifs et en dollars.
Stamkos, lui, aurait coûté cher pour le passé.
Et Hughes l’a compris.
Ce refus est d’autant plus significatif qu’il aurait été populaire.
Stamkos à Montréal, c’est un coup marketing assuré. Le lien avec Martin St-Louis, la nostalgie de Tampa Bay, l’image du vétéran meneur dans un vestiaire jeune… tout était parfait sur papier.
Mais le hockey n’est pas un film.
Le Canadien n’a plus le luxe d’acheter des symboles. Il veut gagner avec cohérence, pas avec émotion.
Barry Trotz, lui, regarde son pari s’effondrer.
Il croyait qu’en ajoutant Jonathan Marchessault, Steven Stamkos et Brady Skjei, il éviterait la reconstruction.
Huit matchs plus tard, le constat est brutal : Nashville n’a ni l’explosivité offensive ni la stabilité défensive attendue. Les jeunes stagnent, les vétérans ralentissent.
Alors, il appelle.
Il teste le marché.
Et Montréal répond non.
C’est ce « non » qui résume toute la transformation du Canadien sous Hughes et Gorton.
Autrefois, ce genre de coup aurait été tenté.
Aujourd’hui, le CH protège son espace, son identité et son plan.
Kent Hughes ne veut pas de Steven Stamkos. Et il a raison.
Parce qu’à ce stade-ci, le Canadien ne cherche pas une star finie.
Parce qu’il ne veut pas saboter sa marge de manœuvre avant les prolongations de Demidov, Matheson et Bolduc.
Parce que Montréal n’est plus un musée à légendes.
Stamkos aurait aimé Montréal. Il aurait aimé St-Louis.
Mais Kent Hughes... ne veut rien savoir...
