C’est un parfum de fin de cycle qui flotte à Boston.
L’administration des Bruins a beau répéter à qui veut l’entendre qu’elle veut gagner maintenant, que la fenêtre est encore ouverte, les gestes posés depuis la date limite des transactions 2025 racontent une autre histoire. Une histoire de prudence, de retrait progressif, de rajeunissement forcé… bref, de reconstruction douce qui ne veut pas dire son nom.
Et qui dit reconstruction, dit joueurs établis sur le marché. Et qui dit joueurs établis, dit… Pavel Zacha.
Jimmy Murphy, journaliste branché à Boston, ne passe pas par quatre chemins : à ses yeux, Zacha figure parmi les rares centres top 6 qui pourraient changer d’adresse d’ici l’ouverture de la saison.
À 28 ans, Zacha est un gros centre (6’4, 207 livres) capable de jouer à l’aile, fiable défensivement et productif dans un rôle secondaire. Ses statistiques récentes sont constantes :
21 buts, 38 passes, 59 points en 2023-2024.
21 buts, 36 passes, 56 points en 2022-2023.
Son contrat? Encore deux ans à 4,75 M$ par saison. Correct, sans être une aubaine. Mais surtout : pas bloqué par une clause complète, seulement une liste de huit équipes à qui il peut dire non.
Si Boston décidait de vendre Zacha, il y a une logique cinglante qui ramène toujours Montréal dans le portrait.
Parce qu’au moment où l’on se parle, le Canadien n’a toujours pas de deuxième centre assuré pour débuter la saison.
Sur papier, c’est Kirby Dach qui devait occuper ce poste derrière Nick Suzuki. Mais en réalité, Dach est un fantôme.
Absent de Brossard. Absent des rassemblements d’équipe. Absent aussi des réseaux sociaux.
Pire encore : il était bel et bien à Montréal début juillet avec les espoirs, en pleine forme… avant de disparaître dès que le groupe principal est revenu s’entraîner.
Dans une ligue où dix secondes de vidéo peuvent rassurer tout un marché, son silence est un cauchemar. Et ce vide nourrit une inquiétude qui, à elle seule, justifie que Kent Hughes se penche sur le dossier Zacha.
Le nerf de la guerre, ce n’est pas seulement “est-ce que Boston veut échanger Zacha?”, mais surtout “qu’est-ce que Boston voudrait en retour?”.
Dans une division Atlantique où les Bruins ne pourront pas rivaliser, la priorité est claire : obtenir de jeunes actifs proches de la LNH, mais encore sous contrôle d’entrée de contrat. Pas juste des choix de repêchage hypothétiques.
Et c’est là que la passerelle avec Montréal devient fascinante… et cruelle.
Dans les coulisses, deux jeunes du Canadien reviennent systématiquement lorsque l’on parle de monnaies d’échange “B+” : Joshua Roy et Owen Beck.
Surtout quand on sent que Roy veut un nouveau départ.
« Je n’ai pas eu de discussion avec le Canadien, mais je pense que je suis assez intelligent pour voir que j’en ai beaucoup à apprendre et à travailler pour me faire une place permanente dans la LNH. »
Au tournoi de golf de Jonathan Huberdeau, Roy a lâché cette bombe dans un calme glacial.vPas de contact avec l’état-major. Pas de plan clair. Pas de signe qu’on compte sur lui.
Et quand on connaît son parcours, roi de la LHJMQ avec 119 points en 2021-2022, 20 buts en 47 matchs à Laval la saison dernière, 2 buts en 12 matchs à Montréal, on comprend que le problème n’est pas le talent brut, mais la hiérarchie.
L'arrivée de Zachary Bolduc lui fait mal, car les journalistes nationalistes québécois ne pourront pas crier au scandale si Roy est transigé.
Et dans une organisation qui veut gagner maintenant, l’histoire est connue : cinquième ronde ou pas, si tu ne forces pas la main du coach, tu sors de la conversation.
Roy, à 21 ans, est déjà à son point de rupture. S’il commence la saison à Laval sans perspective, il pourrait bien suivre la voie de Yegor Chinakhov à Columbus : une demande publique de transaction.
Le cas Beck est encore plus cruel. Ancien choix 33e au total, centre "deux sens" exemplaire, comparé à Phillip Danault pour son intelligence de jeu… et pourtant, il a déjà été offert aux Islanders dans le méga-échange pour Noah Dobson.
Et Mathieu Darche a préféré… Emil Heineman.
Depuis, Beck n’a cessé de reculer dans la hiérarchie. L’arrivée de Joe Veleno l’a bloqué net. Evans est toujours là. Kapanen pousse derrière. Beck n’a plus d’espace.
Dans ce contexte, son profil devient exactement ce que Boston pourrait exiger : jeune, formé au Canada, prêt à jouer des minutes de profondeur dès maintenant, avec une marge de progression. Le genre de joueur qui aide une équipe en transition sans coûter un salaire important.
L’échange Zacha–espoirs/choix a du sens pour les deux clubs… à condition que Boston accepte de traiter avec un rival de division. Ce qui, historiquement, n’est pas impossible mais toujours délicat.
Pour Boston :
Récupérer un ou deux jeunes à potentiel LNH immédiat (Roy et Beck).
Alléger la masse salariale (4,75 M$ de Zacha).
Répondre à l’objectif de rajeunissement.
Éviter de laisser Zacha se dévaluer sur le marché des transactions en le gardant dans un rôle réduit derrière Elias Lindholm et Casey Mittelstadt
Pour Montréal :
Obtenir un centre polyvalent prêt à jouer top 6 si Dach est absent... mentalement et physiquement...
Conserver ses intouchables (Hage, Reinbacher).
Éviter de débuter la saison avec un trou béant au poste de 2C.
Ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est que Roy et Beck étaient déjà identifiés comme pions potentiels… mais pour un tout autre dossier : Sidney Crosby.
L’ancien agent David Ettedgui a été clair : si un deal Crosby se fait, Hage et Reinbacher ne bougeront pas. Ce seront “des espoirs A- ou B+ et des choix”.
Des jeunes proches de la LNH mais pas essentiels au plan à long terme. Les mêmes qui, aujourd’hui, pourraient séduire Boston.
Autrement dit : peu importe que la piste mène à Pittsburgh ou à Boston, le sort de Roy et Beck pourrait se jouer hors de Montréal avant Noël.
Si Dach était visible, rassurant, prêt… Zacha ne serait pas une priorité. Mais son absence prolongée, son silence et la non-transparence du Canadien créent un vide stratégique. Et dans ce vide, un joueur comme Zacha devient irrésistible.
Le problème, c’est que plus Hughes attend, plus Boston peut hausser le prix, surtout si d’autres équipes se mettent de la partie.
Et dans ce genre d’enchère, les équipes qui mettent sur la table deux jeunes joueurs prêts à jouer ont toujours l’avantage.
La question n’est donc plus “si” Montréal bougera, mais “quand”.
Parce qu’au moment où la saison commencera, il sera trop tard pour bricoler une solutio en panique. Et si Dach n’est pas prêt, Kent Hughes n’aura plus que deux choix : surpayer dans l’urgence, ou voir la saison se jouer avec un trou béant derrière Suzuki.
Boston a besoin de jeunesse. Montréal a besoin de certitude au centre. Pavel Zacha est le pont évident. Et dans cette transaction hypothétique, Joshua Roy et Owen Beck pourraient bien quitter le Québec pour revêtir l’uniforme noir et jaune... que ce soit à Boston ou Pittsburgh...
Un échange qui ferait grincer des dents à Montréal… mais qui, au fond, serait peut-être la seule façon d’éviter que la saison 2025-2026 ne soit plombée avant même de commencer.