Transaction Montréal-Philadelphie-Edmonton: Jacob Fowler a trop parlé

Transaction Montréal-Philadelphie-Edmonton: Jacob Fowler a trop parlé

Par David Garel le 2025-09-13

La réalité a fini par rattraper Jacob Fowler.

Pour l’étoile montante devant le filet du Canadien de Montréal, ce moment est survenu bien plus tôt que prévu.

L’Américain de 20 ans, fraîchement débarqué dans les rangs professionnels après une carrière universitaire éclatante, semblait croire que la Ligue nationale de hockey l’attendait les bras ouverts.

À force de répéter que « dans sa tête, il allait jouer dans la LNH cette année », Fowler a attiré sur lui une attention médiatique étouffante… et surtout, dangereuse.

Un discours trop confiant, voire arrogant pour l'organisation?

Depuis son arrivée au camp des recrues du CH, Jacob Fowler ne manquait pas de culot. Dans ses premières déclarations publiques, il multipliait les affirmations à saveur de Dieu.

Il se voyait déjà sur la glace du Centre Bell en saison régulière, il se projetait comme le gardien d’avenir de l’équipe, voire le gardien du présent.

Et ce, alors que Samuel Montembeault, médaillé d’or au Championnat mondial, est toujours bel et bien en poste comme numéro un.

Les propos ont rapidement trouvé écho sur les réseaux sociaux, dans les blogues, et surtout, dans les bureaux du Centre Bell.

L’idée que Fowler représentait déjà une menace crédible pour Montembeault a fait exploser les scénarios de transactions pour 2026 ou 2027.

Il ne s’agissait pas d’un scénario imminent ni d’une transaction précipitée. Personne ne prétendait que Montembeault serait échangé dans les prochains jours. Ce qui alimentait réellement les discussions, c’était sa situation contractuelle bien connue dans le milieu.

Le gardien québécois entame la deuxième année d’un contrat de trois saisons signé à 3,15 millions de dollars par année.

Et dans l’entourage de la LNH, tout le monde sait qu’il ne prolongera pas à Montréal. Son camp ne s’en cache pas, et Kent Hughes n’a jamais été du genre à perdre des joueurs pour rien. Alors, d’ici l’été 2027, tout le monde s’attend à une transaction, c’est une question de quand, pas de si.

C’est dans ce contexte que l’enthousiasme autour de Jacob Fowler a pris de l’ampleur. Si le jeune gardien surprenait au camp, s’il forçait la main du Canadien, cela aurait pu accélérer les choses.

Ce n’était pas une rumeur fondée sur une offre concrète, mais plutôt le reflet d’un alignement logique de facteurs : la montée de Fowler, la valeur de Montembeault, et la stratégie habituelle de l’état-major du CH de regarder ves l'avenir, sans émotion face au fait d'échanger des joueurs aimés dans le vestiaire.

Dans ce contexte d’incertitude, deux équipes ont été fréquemment mentionnées dans les coulisses : les Flyers de Philadelphie et les Oilers d’Edmonton. 

Les Flyers, d’abord, aiment l’attitude de Montembeault, son profil de gardien calme, humble, pas trop cher, québécois, qui cadre parfaitement avec la philosophie de reconstruction de Daniel Brière.

En coulisses, le nom de Montembeault a circulé quand les Flyers ont "perdu" Carter Hart dans la sage judiciaire, qui a brouillé les cartes.

Même si Hart a été acquitté et que son nom circule à Philadelphie pour un possible retour, les Flyers veulent tourner la page, et Montembeault représente une option crédible et abordable pour reprendre les rênes, sans pression.

Du côté des Oilers d’Edmonton, c’est une autre dynamique. On sait que Connor McDavid met une pression intense sur son organisation pour enfin gagner, lui qui n'a toujoures pas signé son contrat.

Et dans cette optique, les Oilers cherchent une assurance derrière Stuart Skinner, surtout en séries. Le nom de Montembeault a été soufflé comme un plan B, tout comme l’option controversée de signer Carter Hart.

Une transaction n’était pas exclue, surtout si Kaapo Kähkönen montre qu’il pouvait donner des départs fiables à Montréal, si Jakub Dobes était en feu au camp ou si Jacob Fowler montait trop rapidement dans la hiérarchie.

« Dans sa tête, il allait faire la LNH dès cette année », ont répété plusieurs observateurs, incrédules.

Mais c’est là que le vent a tourné.

Il faut se demander si le département des communications du Canadien, voire Martin St-Louis lui-même, serait intervenu pour calmer les ardeurs de Fowler.

On lui aurait fait comprendre que ce genre de discours n’aidait personne. Ni lui, ni l’équipe. Et surtout pas Samuel Montembeault, dont la pression médiatique devenait insoutenable.

Le résultat? Un changement de ton radical.

Lors de ses plus récents points de presse, Fowler semble transformé. Exit l’assurance flamboyante du futur numéro un. Place à l’humilité, aux phrases préparées, aux platitudes convenues.

« Je veux simplement profiter de chaque instant. Être ici, c’est assez spécial », a-t-il déclaré, bien loin de ses envolées précédentes.

« Je prendrai probablement quelques secondes pour regarder autour et savourer le moment », a-t-il ajouté, en parlant du match à venir au Centre Bell ce soir contre les Jets, lors du Face-à-face des espoirs, alors qu'il est le gardien partant.

La différence avec son style "cocky" est frappant. Et il ne peut être que le fruit d’un recadrage stratégique.

Le CH ne pouvait pas laisser la perception d’une lutte interne exploser publiquement. Montembeault, qui a déjà été bousculé par Cayden Primeau et Jake Allend dans le passé, se retrouve encore une fois dans une situation fragile.

Les Flyers de Philadelphie maintiennent leur intérêt pour lui. Les Oilers d’Edmonton, eux aussi, gardent un œil attentif. Et au moment où Jacob Fowler enflammait les micros, Kevin Mandolese était invité en essai professionnel, ajoutant un nouveau nom à une congestion déjà absurde devant le filet.

Le message était clair : “Personne n’est intouchable”, mais aussi : “Calmez-vous les jeunes.”

Il ne faut pas oublier que Jacob Fowler arrive avec un palmarès imposant. Il a remporté le trophée Mike-Richter, remis au meilleur gardien de la NCAA. Il a gagné 57 de ses 73 matchs universitaires avec Boston College. Et il était, selon son ancien coéquipier Gabriel Perreault, « le meilleur joueur de l’équipe, même devant Will Smith et Ryan Leonard ».

« Oui, il était si fort que ça. Il nous a gagné tellement de matchs. Le Canadien aura un bon gardien longtemps », a même lancé Perreault dans une déclaration à TVA Sports.

Mais ce genre de commentaire, aussi flatteur soit-il, ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Car le “gardien du futur”n’est pas encore prêt. Et le “gardien du présent”, Samuel Montembeault, se bat pour garder son poste, dans l’arène la plus impitoyable de la LNH.

Jacob Fowler le sait maintenant. Il amorcera la saison à Laval, avec le Rocket, où il découvrira la réalité brutale d’un calendrier professionnel.

« À l'université, je jouais un ou deux matchs par semaine maximum. Je veux être capable de jouer un match, de le mettre rapidement derrière moi, de préparer mon corps pour la journée suivante. Chez les pros, que ce soit bon ou mauvais, il y a toujours un match qui vient. »

Ces propos, récents, tranchent avec son assurance du mois d’août. Et ils révèlent peut-être un Fowler assagi, moins enivré par la grandeur du moment.

Dans une ville comme Montréal, chaque mot compte. Chaque phrase peut devenir un titre. Et pour un jeune gardien encore vierge de tout match régulier en LNH, s’autoproclamer digne de la Ligue dès l’automne est une erreur de débutant. 

Une erreur corrigée à temps, grâce à l’intervention d’un personnel d’entraîneurs et de communicateurs aguerris.

Ce qui est clair, c’est que Jacob Fowler est excellent. Son ascension est réelle. Mais la LNH, ce n’est pas une récompense pour une belle saison universitaire. C’est un territoire impitoyable où chaque minute de jeu se mérite.

Et pour l’instant, Samuel Montembeault est encore debout.

L’arrivée surprise de Kevin Mandolese en essai professionnel a aussi contribué à calmer l’enthousiasme autour de Fowler.

Mandolese ne vient pas voler un poste à personne, au mieux il signera avec les Lions de Trois-Rivières, mais sa présence alourdit la hiérarchie. Elle envoie un message clair : 

“Vous devrez gagner votre place.”

Pendant ce temps, les rumeurs continuent.

Montembeault aux Flyers?

Dobes échangé aux Oilers?

Kahkonen ou Dobes sacrifiés?

La seule chose certaine : Jacob Fowler, lui, restera à Laval. Et c’est tant mieux ainsi.

Jacob Fowler a peut-être parlé trop fort, trop vite. Mais le CH l’a vite remis à sa place, sans l’humilier. Il a été corrigé en coulisses, avec doigté, pour éviter d’alimenter les tensions dans le vestiaire et de nuire à Montembeault.

La bonne nouvelle? Fowler semble avoir compris.

« Mettre les pieds dans cet édifice pour la première fois, c’est un moment inoubliable. »

Ce n’est pas le moment de voler la vedette. C’est le moment d’apprendre. Et si tout va bien, ce discours mesuré deviendra la norme chez un futur grand du Canadien.

Mais en attendant, qu’on se le dise clairement : le filet du Tricolore appartient encore à Samuel Montembeault. Et ce, même si Jacob Fowler voit déjà plus loin que ses patins.