Congédiement de Yanick Bouchard: la leçon de Maripier Morin

Congédiement de Yanick Bouchard: la leçon de Maripier Morin

Par David Garel le 2025-05-20

Yanick Bouchard a perdu bien plus qu’un micro. Il a perdu la confiance du public. Et il ne l’a pas perdue en raison du message ignoble transmis à la ministre Caroline Proulx – aussi inacceptable fût-il – mais bien parce qu’il a menti. 

Parce qu’au lieu d’assumer sa faute, il a choisi l’illusion. Et dans l’univers des communications modernes, c’est souvent le mensonge qui coûte le plus cher, bien plus que la faute elle-même.

Dans son message à la ministre, qui venait de perdre sa mère, Bouchard a utilisé l’expression : « Deux vulves aux funérailles. »

C’était indéfendable, choquant, inhumain. Mais ce qui a réellement scellé son sort, c’est ce qu’il a tenté de faire ensuite.

Au lieu de se lever et de dire : « J’ai fait une erreur. Je suis désolé. », il a voulu blâmer un collègue. Il a affirmé, sans sourciller, qu’un ami aurait pris son téléphone et envoyé le message en son nom.

Cette excuse, ridicule de bout en bout, a ravagé sa crédibilité. Un réflexe de panique, compréhensible sur le plan humain, mais désastreux sur le plan public.

Et le public québécois, lui, n’est pas naïf. Il est exigeant, oui, mais aussi profondément juste. Il sait faire la part des choses entre une erreur et une tentative de manipulation.

Et surtout, il sait reconnaître l’authenticité. Voilà pourquoi le cas Bouchard heurte autant : il a insulté l’intelligence collective en pensant que ce mensonge allait suffire à calmer la tempête.

Il aurait pu suivre un autre chemin. Il aurait pu suivre l’exemple de Maripier Morin. Accusée d’actes graves, elle a assumé, pris du recul, présenté des excuses sincères, suivi un processus de réparation.

Et aujourd’hui, même si tout le monde ne lui a pas pardonné, elle a repris sa place dans le paysage culturel québécois. Pas à la faveur de la complaisance, mais parce qu’elle n’a pas fui. Elle a regardé la tempête dans les yeux.

Yanick Bouchard, lui, a voulu la contourner. Il a d’abord menti, puis démissionné du 98.5 FM en essayant de faire passer sa sortie pour un choix personnel. Mais le public n’était pas stupide : il savait que cette sortie était forcée.

Et depuis, son avenir à RDS reste suspendu dans le vide. Il est encore techniquement en poste, suspendu, mais personne ne veut de son retour. Son nom est devenu tabou, son micro, fantomatique.

Et pourtant, ce n’était pas une faute irréparable. Crue, oui. Malheureuse, évidemment. Mais il aurait pu se lever dès le jour un, dire « j’ai envoyé ce message, c’est inacceptable, je le regrette profondément », et ouvrir une porte à la rédemption.

Le Québec aurait peut-être grincé des dents. Mais il aurait écouté. Parce qu’au Québec, la deuxième chance existe. Elle existe pour ceux qui ne trichent pas avec la vérité.

En refusant cette posture, Bouchard a gaspillé la sienne. Il est devenu non seulement celui qui a insulté une ministre en deuil, mais aussi celui qui a menti pour essayer de sauver sa peau.

Et dans une ère où tout se sait, où chaque déclaration est archivée, partagée, scrutée, le mensonge devient une condamnation en soi.

Des spécialistes en communication l’ont répété mille fois : le mensonge amplifie toujours la crise. Il ajoute une couche de méfiance. Il transforme l’erreur en trahison. Il enlève à la personne fautive le peu de capital moral qu’il lui restait.

Et c’est exactement ce que Bouchard a vécu. Non seulement il a dû affronter la colère de la ministre Proulx, mais aussi celle du public, des auditeurs, et même de ses collègues.

Pendant que d’autres sont capables de se relever, de montrer leur vulnérabilité, lui s’est accroché à une fiction. Et c’est cette fiction qui l'a enfoncé jusqu'au bout.

Le Québec est peut-être un petit marché, mais il a une mémoire collective affûtée. Il récompense le courage, mais il punit sévèrement le mépris déguisé en stratégie.

Yanick Bouchard aurait pu sortir grandi d’un moment d’égarement. Il est sorti plus petit d’un moment de déni. Et le contraste avec Maripier Morin est frappant.

Elle n’a jamais prétendu que ses gestes appartenaient à quelqu’un d’autre. Elle ne s’est pas réfugiée derrière un ami imaginaire ou un mensonge de dernière minute.

Elle a pris le blâme de front, sans détour. Même quand l’opinion publique était contre elle, même quand les plateaux lui fermaient la porte, elle n’a pas tenté de falsifier la réalité. Ce n’est pas une gestion de crise qui l’a sauvée — c’est une gestion de conscience.

Ce n’est pas qu’elle est parfaite. C’est qu’elle a compris quelque chose de fondamental : la vérité, dite avec tremblement, vaut toujours mieux que le mensonge, livré avec aplomb.

C’est ce qui lui a permis de revenir sur les ondes, de retrouver du travail, et même de redonner un sens à sa présence médiatique.

Ce n’est pas le pardon qui lui a été donné… c’est la permission d’essayer à nouveau. Parce qu’elle a montré qu’elle avait compris. Parce qu’elle n’a pas pris le public pour un imbécile.

Résultat : l’opinion a été bienveillante. Parce que la sincérité, même imparfaite, trouve toujours un écho dans le cœur du public.

Dans le cas Bouchard, ce n’est pas la faute qui l’a coulé. C’est le camouflage. C’est la tentative d’éteindre un incendie avec de l’essence. 

Et quand on regarde aujourd’hui le silence gêné de RDS, les hésitations de ses collègues, les regards évités dès qu’on prononce son nom, on comprend que ce n’est pas la faute qui est encore là… c’est le mensonge.

Peut-il revenir? Peut-être. Mais pas sans faire face. Pas sans le dire pour vrai. Pas sans tout admettre. Parce que tant qu’il ne le fait pas, chaque tentative de retour sera perçue comme une imposture.

Et la vraie leçon ici, ce n’est pas seulement pour lui. C’est pour tous ceux qui, dans la sphère publique, pensent encore qu’un bon "spin" mensonger vaut mieux qu’un vrai mea culpa.

Le Québec n’est peut-être pas parfait. Mais il sait reconnaître le courage quand il en voit. Et il n’oublie pas le mensonge quand on tente de le lui vendre en-dessous de la table.