Tristesse à Terrebonne: Jonathan Huberdeau règle ses comptes

Tristesse à Terrebonne: Jonathan Huberdeau règle ses comptes

Par David Garel le 2025-07-07

Il y a des histoires dans la LNH qui inspirent, d’autres qui font rêver.

Et il y a celle de Jonathan Huberdeau, qui aujourd’hui, ne fait que susciter une chose : la pitié.

Une pitié générale. Une pitié nationale. Une pitié embarrassante, même. Celle qu’on ressent lorsqu’on regarde un ancien prodige tenter de recoller les morceaux d’une carrière autrefois scintillante, désormais enfoncé dans un contrat impossible, dans une équipe en reconstruction, dans une ville qu’il n’avait jamais choisie.

Quand Huberdeau s’est présenté cette semaine devant les micros de TVA Sports, lors de son tournoi de golf caritatif à Terrebonne, le malaise flottait comme un nuage persistant.

Il tentait de rester positif. Il souriait. Il parlait de la naissance de son fils. De la beauté de Calgary. De la lumière du soleil qui éclaire un peu plus souvent l’hiver là-bas qu’au Québec. Mais tout le monde présents, journalistes, spectateurs, participants, savait.

Savait que Jonathan Huberdeau ne voulait pas vraiment être là.

Savait que Calgary n’est pas sa maison.

Savait que les Panthers de la Floride sont devenus une dynastie… dès qu’il en est sorti.

Et surtout, savait pourquoi il a été échangé.

Personne ne l’a abordée directement. Aucun journaliste ne l’a mentionnée. Mais elle planait. Cette fameuse nuit à Tampa, en mai 2022, où des joueurs des Panthers, dont Huberdeau, ont été vus dans un club de danseuses à 3 heures du matin, la veille d’un match éliminatoire crucial.

L’équipe perdait déjà 0-3 contre le Lightning. Le lendemain, ils se sont fait balayer. Et le DG Bill Zito a vu rouge. Quelques semaines plus tard, Huberdeau, Mackenzie Weegar, Cole Schwindt et un choix de première ronde prenaient la route de Calgary. En retour : Matthew Tkachuk. Le reste appartient à l’histoire.

Depuis ce jour, les Panthers ont gagné deux Coupes Stanley, et ils pourraient en gagner d’autres. L’organisation, jadis critiquée pour sa mollesse et son manque de caractère, est maintenant citée en exemple. Un monstre collectif.

Le Québécois ne pardonnera jamais au DG des Panthers, Bill Zito, de l'avoir traité ainsi, Tout le monde se souvient de ses paroles.

«Je suis déçu de la façon qu’ils m’ont échangé. Je sais que ça fait partie de la business. Le directeur général l’a su. Je crois que j’aurais aimé avoir plus de respect.»

«J’ai été avec cette organisation pendant dix ans. Je comprends qu’il (Bill Zito) n’a pas été là pendant dix ans. J’ai donné beaucoup à cette organisation.»

Pendant que Jonathan Huberdeau ronge son ressentiment, il traîne comme un boulet son contrat de 10,5 M$ par saison pour encore six longues années. Un contrat jugé, aujourd’hui, comme l’un des pires de la ligue.

La vérité, c’est que Jonathan Huberdeau est coincé. Coincé dans une équipe qui ne veut plus de lui, mais qui ne peut pas l’échanger.

Coincé dans un style de jeu défensif, loin de ses instincts de créateur. Coincé dans la froide réalité d’un club en transition, qui s’apprête à échanger Rasmus Andersson et qui lorgne déjà vers les choix de repêchage de 2026.

Il dit qu’il veut « compléter ce contrat-là », mais tout le monde comprend que personne ne veut l’absorber, même à la moitié du salaire. Pas même Montréal.

Et c’est là que la pitié devient douloureuse. Parce que Huberdeau aimerait jouer pour le Canadien, c’est évident. Il est né ici. Il organise ses événements ici. Il suit le CH, parle de Demidov, admire Kent Hughes.

Mais il le sait aussi : il coûte trop cher. Même à 5 M$, même à 4 M$, le Canadien ne peut pas justifier une telle acquisition pour un ailier de 62 points, sans impact physique, ni leadership reconnu.

« Je pense que le Canadien, d’après moi, dans deux ans, ça va être une grosse équipe… »

Cette phrase, balancée doucement dans son entrevue, est moins un compliment qu’un appel du cœur. Une envie de rentrer à la maison. De redevenir quelqu’un. De ne plus être l’homme qu’on regarde avec des yeux pleins de compassion.

“C’est le fun d’avoir un enfant…”

Il parle de la naissance de son fils à Laval. De sa fierté d’avoir été traité « aux petits oignons » à l’hôpital. Il parle de causes nobles, de neurologie, de santé publique. Il est généreux. Humain. Attachant, même. Mais chaque fois qu’il revient à sa carrière, on sent un vide. Un vertige existentiel.

« Je veux continuer à être un joueur compétitif… Je ne sais pas jusqu’à quand je vais jouer, mais je veux au moins compléter ce contrat-là… »

On dirait qu’il parle d’une peine de prison.

De 115 points à l’oubli

Il n’y a pas si longtemps, Huberdeau était une machine offensive, un passeur de génie, un joueur qui dictait le tempo de chaque match.

Sa saison de 115 points en 2021-2022 aurait dû marquer le début d’une ère. Ce fut sa fin. Depuis son arrivée à Calgary : 55, 52, et enfin 62 points. Une lente disparition. Un lent enterrement.

« Le gars de 100 points, il est encore là… mais avec notre style de jeu, c’est quasiment impossible. »

En d'autes monts... on m’a demandé de devenir un joueur que je ne suis pas. Et je l’ai fait. Mais je m’éteins.

Un cœur à Montréal, un corps à Calgary..

Le plus triste dans tout ça, c’est que Huberdeau n’a jamais été un mauvais gars. Il s’implique. Il donne du temps, de l’argent.

Il ne critique personne. Il accepte les consignes. Il s’adapte. Il essaie. Mais ça ne colle plus. Calgary veut rajeunir. Le système Huska ne le met pas en valeur. La direction regarde déjà vers la jeunesse. Et Huberdeau est seul, lentement délaissé, relégué au rôle de vétéran inutilement riche.

Il disait être heureux pour les Panthers. Qu’il leur souhaite le succès. Mais ses yeux disaient autre chose. Ils disaient :

« J’aurais pu soulever cette coupe. »

Ils disaient :

« J’étais là avant. J’étais là dans les années noires. J’ai tout donné à cette équipe. Et ils ont gagné… sans moi. »

Ils disaient :

« Je n’ai jamais été Matthew Tkachuk. Et je ne le serai jamais. »

Jonathan Huberdeau est encore jeune à 32 ans. Mais son corps vieillit, et son contrat vieillit encore plus vite... encore plus mal...

Il parle d’espérer « une bonne équipe avec le temps », mais ce n’est pas vrai. Les Flames vont reconstruire sans lui, comme les Panthers l’ont fait avant.

Peut-être qu’il pourra revivre une dernière fois la sensation de se battre pour quelque chose... dans une autre vie.

Mais d’ici là, il est là, à Calgary, coincé dans le désert albertain, regardant la dynastie floridienne depuis son salon.

Oui, Jonathan Huberdeau fait pitié.

Et il le sait.

Et on le sait tous.

Et c’est ça le plus cruel.

Nos pensées sont avec lui.